Comment a démarré votre collaboration ?
Fanny de Chaillé : J’ai reçu une commande d’Hubert Colas pour actoral. Il m’a proposé de travailler avec un écrivain. A la vérité, travailler avec un écrivain ce n’était pas une envie qui me tenaillait mais j’ai pensé que si je devais travailler avec quelqu’un ce serait avec Pierre Alferi. Une amie commune, Sarah Murcia, a organisé un dîner…
Pierre Alferi : Je ne connaissais pas Fanny à l’époque. Au début, j’ai vu cette fille en jeans et basket et j’ai cru que c’était la baby-sitteuse. Bon, ensuite les choses sont rentrées dans l’ordre. Ce que m’a dit Fanny c’est qu’elle voulait faire une pièce où figurerait une partition, où le texte aurait un rôle visible. L’idée m’a plu parce que la présence du texte, sa visibilité, m’intéresse. J’ai pensé à ce qui me troublait à ce moment-là : skype. Avec skype, on a toujours des problèmes dans les conversations : le son est coupé ou le débit est trop lent et du coup l’image est saccadée ou figée. Je me suis dit que ça serait bien d’inventer un système de secours : une machine qui lise sur les lèvres et transcrive le texte à chaque fois que le son est coupé. Ce serait une transcription phonétique du français au français. Évidemment, ça aussi, ça marcherait mal, comme tout. La transcription reproduirait des phonèmes mais pas forcément les mots que le locuteur prononce. Il y aurait un découpage arbitraire des phonèmes tel qu’ils construiraient d’autres mots.
Fanny de Chaillé : Quand j’ai reçu le texte, je l’ai lu et l’ai trouvé absolument incompréhensible. J’avais besoin de le lire à haute voix pour le comprendre et cette nécessité m’a beaucoup plu. C’est écrit comme des espèces de rébus, de mots-valises, de mauvais calembours. Et du coup ça fonctionne vraiment comme une partition, on a besoin de mettre le texte en voix pour qu’il fasse sens.
Propos recueillis par Stéphane Bouquet, décembre 2013